Elle a créé et dirigé pendant 20 ans le Centre de développement chorégraphique de Toulouse (CDC) avant de prendre la tête de Charleroi Danse, en Belgique, jusqu’en 2022. Aujourd’hui Annie Bozzini coordonne le Festival Parterre, dans l’Aude. La 2ème édition de cette manifestation dédiée à la danse, gratuite et ouverte à tou.te.s, se déroulera du 3 au 7 juillet dans plusieurs villages de la Piège.
Annie Bozzini répond ce mois-ci à notre questionnaire.
1. Trois mots pour vous décrire ?
J’aime adorer les artistes.
2. Trois mots qui définissent votre travail ?
Aujourd’hui particulièrement obstinée.
3. Comment la danse est-elle entrée dans votre vie ?
Elle n’y est pas entrée par la pratique, mais par l’observation, l’analyse, l’intérêt que je lui portais en tant que journaliste, au début de ma vie professionnelle.
4. Programmer un festival de danse est-il pour vous un geste politique ? Comment établissez-vous votre programmation ?
Si proposer de la poésie est de la politique alors oui, programmer un festival de danse est un geste politique.
Pour construire cette 2ème édition je me suis adaptée à une situation financière particulière, avec le désir de monter quelque chose d’une grande diversité qui propose un accès à des pratiques très actuelles comme le voguing, le crump etc. C’est un équilibre fragile cette année…
5. Plusieurs actions de médiation ponctuent votre festival. À destination de quels publics adressez-vous ces propositions ?
Quand j’avais plus de moyens je proposais des actions ciblées comme des ateliers, cette année ça se passe par la parole, l’engagement et l’action directe, ce sont mes outils.
6. Vous installez votre festival dans la Piège, un territoire très rural. On sait que la mobilité des publics dans les territoires ruraux est un des grands enjeux de l’accès au spectacle vivant, comment faites-vous venir les spectateurs ?
Tout passe par le bouche à oreille et les outils de communication traditionnels : les tracts et affiches, Instagram, un site web et la relation directe. C’est la 2ème édition, le public sera-t-il au rendez-vous ? Ça ne fonctionnerait pas si je n’avais pas de contacts directs ici. C’est une question de confiance et ma relation aux publics s’est instaurée là-dessus, sinon les gens ne viennent pas spontanément à la danse.
7. La mobilité des compagnies artistiques est un autre enjeu de la transition écologique du secteur culturel, comment est-elle pensée à l’intérieur de votre programmation ?
Cette année il n’y a que des compagnies basées en région Occitanie, et à quelques exceptions près, des gens qui sont en relation avec ce territoire. C’est assez resserré. Je ne les appelle pas des artistes locaux, plutôt des artistes qui font des choses en Occitanie.
8. Ancrage local, maillage territorial sont des principes et des méthodes dont on parle beaucoup dans les politiques culturelles actuelles ; votre parcours a souvent eu une dimension régionale voire nationale, à quelle échelle vous situez-vous aujourd’hui ?
Ce que je fais aujourd’hui est complètement différent de ce que je faisais avant, ici c’est évidemment essentiel de prendre en compte un ancrage local, que je n’aurais pas pratiqué dans une capitale ou même quand j’étais à Toulouse. Ça donne du sens cet ancrage, cette échelle de proximité, j’aime assez cette dimension aujourd’hui, retravailler la proximité.
9. Comment imaginez-vous les perspectives et le projet territorial du festival Parterre ?
Il ne s’agit pas de faire un grand déploiement de festival et de faire venir l’Europe entière, mais sur un petit territoire comme la Piège, il y a beaucoup de choses à développer et à penser. On ne sera jamais international, il faut revenir à quelque chose de plus serré. Ça se développera si localement je peux trouver les moyens de le faire, pour les artistes d’ici ou d’ailleurs.
10. Le spectacle vivant ça sert à quoi aujourd’hui ?
C’est un rempart à la morosité sociétale ! Se projeter dans l’univers de quelqu’un c’est déjà sortir de soi-même et c’est énorme. Amener des gens dans une communauté de spectacle, c’est déjà former communauté et lutter contre les formes d’individualismes qui peuvent être un danger. Il faut être modeste, il faut rester à la dimension de ce qu’on peut faire ici, mais il faut le faire et en avoir les moyens. C’est local et ça demande aussi des moyens pour les artistes. Je ne veux pas faire peser cette pression financière sur les spectateurs, c’est important que les gens soient libres et hors de cette réalité contraignante, je veux pouvoir travailler avec des publics qui vivent ici tout le temps et ouvrir un accès à un peu de poésie. Ici c’est ce que je veut développer.
11. Votre dernier coup de cœur spectacle ?
J’en ai deux !
Le Petit B, de Marion Muzac qui s’adresse à des touts petits, parce que c’est rare de s’adresser à ce public. Et c’est joli de créer un univers si doux.
Liberté Cathédrale, de Boris Charmatz (à la tête du Tanztheater Wuppertal depuis 2021, la compagnie créée par Pina Bausch) parce que c’est une vaste entreprise d’énergie, de dépense, d’oubli complet de toute norme et de tout ce qui peut contraindre dans le mouvement. C’est de l’excès en permanence ! C’est hors-cadre, c’est génial de faire ça aujourd’hui ! Il n’y a pas de mesure, c’est un vrai événement. Succéder à Pina Bausch n’était pas simple et montrer les corps dans cette diversité je dis chapeau, c’est audacieux et courageux !
Retrouvez l’intégralité de la programmation de la 2ème édition de festival Parterre sur : https://www.festivalparterre.com/