Danseuse, chorégraphe et auteure, cette artiste nous parle de ses projets en cours et se prête au jeu de nos 11 questions.
Laurence Pagès est artiste chorégraphe associée au Centre Joe Bousquet et son temps (Carcassonne). Son travail actuel s’inscrit au croisement de la danse et de l’écriture, explorant les liens entre geste, poésie et imaginaire.
Son travail est marqué par une articulation fine entre création chorégraphique, recherche et médiation, qui se déploie selon différents cycles de travail. Après plusieurs années de recherche autour de la respiration, elle a ouvert un nouveau cycle autour de la littérature. A la suite d’un projet pilote avec Pascale Tardif (enseignante à la Faculté d’éducation de Montpellier) sur danse et littérature jeunesse, elle co-écrit l’ouvrage Danser avec les albums jeunesse (éditions Canopé, 2015), crée la pièce jeune public De quelle couleur est le vent ? (en 2016, et jouée depuis près de 85 fois), une transposition de l’album de littérature jeunesse éponyme d’Anne Herbauts. Puis, en 2021 elle crée la pièce pour médiathèques Danser avec les livres.
En continuité, un autre cycle de travail s’est engagé autour de Danse et musées, avec la création de Danses à l’œuvre – une visite chorégraphique du musée (2018, Musée des beaux-arts de Carcassonne, Conseil Départemental de l’Aude), une expérimentation en milieu scolaire et la co-écriture de l’ouvrage Danser avec les œuvres du musée (éditions Canopé, 2020).
Depuis, elle a inauguré avec Joanne Clavel, chercheuse au CNRS, un nouveau chantier sur le devenir-animal en danse et a créé tout récemment avec le collectif Le L.A.C le spectacle-conférence Pourquoi vous allez adorer la danse contemporaine ! Ou pas.
Découvrez-en un peu plus sur cette artiste à travers ses réponses à notre questionnaire.
1. Trois mots pour vous décrire ?
Tenace, bouillonnante, sincère
2. Trois mots qui définissent votre travail ?
Trois mots c’est pas beaucoup, mais disons : sensorialité, recherche, partition (de souffles, littéraires…)
3. Si vous étiez un tableau, un livre ou un film, qui seriez-vous ?
Le film Les Idiots de Lars von Trier parce que c’est un film de danse. Les acteurs qui jouent à incarner le fou en eux, y développent de puissants états de corps.
Un roman russe d’Emmanuel Carrère, parce que c’est un roman de danse. Je rêve de faire de la lettre qu’Emmanuel Carrère écrit à sa compagne (une lettre qui ordonne de penser, de sentir) une partition de danse.
Le Polyptique F de Pierre Soulages, parce que c’est un tableau de danse : une composition d’espace et de temps, un corps à corps aride avec la matière.
4. Un rituel avant d’entrer en scène ?
J’ai un échauffement bien rodé, fondé sur un travail de respiration et sur la pratique du yoga, mais pas vraiment de rituel… J’aimerais beaucoup avoir des rituels, plus largement dans la vie aussi, mais malheureusement je pense être définitivement rétive à toute forme de routine.
5. Comment vous vient l’inspiration ?
En courant, en marchant, en lisant, en faisant du yoga, en discutant, en voyant d’autres spectacles, en dansant…
6. Comment la danse est-elle entrée dans votre vie ?
Elle a en fait toujours été là, omniprésente, mais je ne le voyais pas. Enfant, je ne voulais pas être danseuse, mais bouchère. J’y vois aujourd’hui un lien évident dans le travail de la chair… Ensuite, par mes études, c’est par l’écriture que je suis entrée dans la danse : le journalisme, la recherche. Ces dimensions d’écriture et de création chorégraphique s’articulent désormais, depuis quelques années, plus clairement dans mon travail artistique.
7. L’artiste/la compagnie avec lequel/laquelle vous voudriez passer une journée ?
Je passe déjà pas mal de journées à travailler avec des artistes avec lesquels j’ai envie d’être. Mais sinon, je dirais Patti Smith et Georges Aperghis, comme une alliance de physicalité, de poésie brute et de jeux partitionnels quasi-mathématiques.
8. Un spectacle que vous aimez particulièrement ?
Pindorama, une pièce de Lia Rodrigues que j’aime beaucoup pour l’engagement corporel (engagement physique, nudité) qu’elle demande, pour son énergie brute, organique, et surtout pour l’engagement et la force collective qu’elle construit. Je trouve rare et précieux le chemin de Lia Rodrigues qui met vraiment en cohérence son discours politique et sa création à travers son engagement dans la favela de Maré à Rio, à travers sa réflexion pour construire des modalités de travail non autoritaires et enfin dans la manière dont ses engagements transpirent de manière fine, métaphorique dans ses œuvres.
9. Sur scène, que représente pour vous le public, les spectateurs ?
C’est un partenaire insaisissable, toujours mouvant, avec qui l’on est en dialogue. Parfois le dialogue coince, parfois c’est fructueux. Je suis toujours frappée par la manière dont l’énergie d’un public influe sur mon propre état de corps et donc sur ma danse.
10. L’endroit où vous rêvez de danser ?
Je ne rêve pas d’un endroit particulier où danser. Mais je me sens plutôt à ma place là où la danse n’est pas attendue : en prison, à l’hôpital ou dans la forêt, dans une maison d’écrivain, un stade de rugby, une lagune, une réserve naturelle…
11. Le spectacle vivant, ça sert à quoi aujourd’hui ?
A rien, et c’est pour ça qu’il est essentiel.
Plus d’infos sur Laurence Pagès et la compagnie du petit côté : https://laurencepages.wordpress.com/