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La petite histoire de la Bodega

La Montagne Noire, située au carrefour du Languedoc, du Sud Ouest et du Massif Central, a de tout temps été soumise à diverses influences.

Une géologie particulière a également fait d’elle un îlot qui tout en s’enrichissant des différents courants convergents lui a permis de préserver certaines richesses dont sa si particulière grande cornemuse ou « bodega » (craba) et ses traits principaux qui ont su traverser les siècles.

La musique traditionnelle a toujours eu un rôle social et festif en accompagnant tous les moments forts de la vie.

Que ce soit une naissance, un mariage, les semailles, les récoltes, la musique était présente et les a soutenus et aidés à franchir certaines étapes importantes de leur vie.

Comme pour beaucoup de traditions, le XXème siècle a vu l’intérêt pour l’instrument s’étioler, d’autant plus que la guerre de 14-18 a décimé une grande partie de la population rurale et donc des bodegaires, supplanté par l’accordéon et abandonné par ceux qu’un complexe amène à dénigrer leur art parce que modeste ou par ceux qui ne s’installent dans le progrès qu’en opposition au passé.

Un intérêt pour cet instrument perdure aujourd’hui. Trois générations après, voire davantage, on se souvient qui du grand-père, qui de l’oncle, qui du voisin l’avait ressorti du grenier, l’avait conté, l’avait joué.

On s’intéresse à sa facture, aux histoires ou légendes qui l’accompagnent. On cherche le facteur qui trouvera le buis, saura le tourner, trouvera la peau, saura la tanner… On souhaite l’étudier, lui donner sa place dans les ensembles de musique et dans les fêtes de village. On veut enfin la faire redécouvrir, on l’enseigne afin de permettre aux jeunes générations de se la réapproprier.

Aujourd’hui la « bodega » est devenue emblématique de la Montagne Noire, pensée comme un vecteur d’attrait touristique, de développement durable pour sa force symbolique d’une région préservée où les traditions sont plus que jamais en phase avec l’environnement.

La cornemuse de la Montagne Noire – la « bodega » – est la plus grosse des cornemuses occitanes, et l’une des plus volumineuses de France et d’Europe. Sa poche est faite avec une peau de mouton ou de chèvre entière et peut atteindre une capacité de cent litres.

Au cou de l’animal est fixé un hautbois mélodique (graile), percé de huit trous (sept dessus et un en dessous). Sur la poche est placé un long bourdon pouvant atteindre 1,20 mètres. L’anche du hautbois mélodique est double, tandis que celle du bourdon est simple. Ce type de cornemuse est assez archaïque : les sculptures et enluminures du Moyen-Age nous en livrent un certain nombre.

Èra una anhèla que tuavan. Alara la tuavan e manjàvem la vianda e apèi ba tanavan.E quand la pelavan caliá pas que i faguèsson de traucs autrament apèi marchava pas.Me rapèli que l’Elie i adjudava quand la fasiá.Quand la montava. Totes dos èran ocupats coma jamai…

Marie Pech, fille de Jules Sègreville et sœur d’Elie

Jusqu’à la guerre de 1914 environ, la région se caractérisait par une population extrêmement diversifiée souvent en surnombre et contrainte à une grande mobilité.

Il s’agissait d’une part d’une multitude de petits propriétaires à la tête de micro-exploitations souvent trop petites pour les nourrir et devant exercer d’autres activités, et d’autre part,de nombreux paysans sans terre, de métayers, de bergers…

Les bodegaires (ou crabaires) issus du menu peuple des campagnes à une époque où elles étaient bien plus habitées que de nos jours pouvaient être amenés à se déplacer pour plusieurs semaines ou plusieurs mois dans l’année à l’occasion de travaux saisonniers, moissons, fenaisons, vendanges, taille des vignes ou pour mener les troupeaux dans les pâturages.

Disián qu’aqueles a una certena ora se reunissián lo dimenge, o aital un anava sus un calhau suspausi, e un autre en faça a dos quilomèstres e d’un a l’autre se respondián. Autres còps i aviá fòrças crabas.

Pierre Maynadier

A cette époque, les gens des campagnes vivaient au rythme des saisons et des travaux de la terre et ne négligeaient pas les réjouissances dont ils avaient l’occasion, la danse était avec les chansons l’expression d’une réelle joie de vivre.

Le dimanche on dansait sur la place du village, parfois au cabaret, l’hiver dans les granges des métairies. Les fêtes du village surtout donnaient lieu à de belles réjouissances collectives,on y venait de loin, à pied le plus souvent. Les bals se donnaient le dimanche matin après la messe et reprenaient l’après-midi jusqu’au soir. L’on y dansait polka, mazurka, scottish, valse et pour finir avec le morceau de résistance qu’était le quadrille.

Généralement, les bodegaires (ou crabaires) jouaient debout, solidement campés et marquant énergiquement la mesure des danses du battement de leurs pieds. Répertoires et techniques de fabrication de la bodega se transmettaient souvent de père en fils. Près de 80 bodegaires répartis sur 35 localités ont pu être recensés essentiellement sur le nord du département de l’Aude.

Parmi ces bodegaires citons par exemple Ruffel dit « Le Fat » de Baffignac, Célestin Séverac, fabricant de cornemuses de Caudebronde, Jean Balfet du Mas Cabardès, Pierre Aussenac, garde à la mine de Salsigne…

E per la fèsta i disián : « Pincalha aumensa la craba ! Fa que i aviá la musica mès totes los vièlhs reclamavan la craba. Fasián calar la musica per lo faire sonar a n’el. Mès fasiá mai que mai de nòças. O ! Quantas de nòças qu’a faitas ! MonDieus ! quantas de nòças ! E maridat, es aquò qu’es embestient !”

Fille d’Aimé Lacroux

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